mercredi 27 juillet 2011

Mer noire

(Cette photo va plus bas, mais elles sont toutes mélangées et je n'arrive plus a les bouger. Grrr. Et pas d'accents. Double Grrr)
(C'est tellement frustrant de ne pouvoir photographier a la fois qu'un dixieme du paysage, qui se contemple pendant des jours a 360 degrés.)

(La citadelle de Şebinkarahisar)






(Magasin d'antiquités dans Şebinkarahisar)






Fin du plateau Anatolien, arrivée sur le versant de la Mer Noire. Je me suis dépechée, alternant marche et stop, car j'avais hâte de vérifier si mes informations étaient toujours valables, concernant l'obtention du visa Iranien a Trabzon (obtention dans la journée). Tout change parfois si vite.
Comme le prix des visas, qui reflete l'état des relations internationales: 40 euros pour un Coréen, 65 pour un Japonais, et 75 pour les Européens.
Car si ce n'était pas possible, il me fallait passer par la procédure classique, et attendre un temps indéterminé. Mon autorisation de séjour en Turquie expirant dans trois semaines, je voulais avoir le temps de me retourner en cas de refus.


Des que l'on approche du dernier col avant de redescendre côté mer noire, on aperçoit les nuages stagnant sur les sommets. Et tout de suite derriere, brumes et brouillards ne vous lâchent plus.
Ainsi qu'une petite bruine tenace. Heureusement, la solidarité habituelle fonctionne. Et grâce a Cenkis, qui m'a accueillie comme une véritable princesse dans sa cabane de bois, apres m'avoir trouvée cheminant dans un épais brouillard a la recherche d'une pension dans les alpages, j'ai pu échapper aux pluies torrentielles de cette nuit la, qui ont fait deux morts, et emporté routes et voitures sur leur passage.


Et le lendemain, la famille Coskun, Turko-Française réussira l'exploit de me ramasser deux fois sur la route, en insistant pour me faire monter, et m'évitera ainsi par deux fois de me faire tremper par la pluie arrivée juste apres, tout en m'ayant invitée a manger entre temps! Merci!
(La Mer Noire a Giresun)
Quoi de mieux pour visiter la ville et les musées, que deux étudiants en histoire de l'art... Ils m'ont été attribués comme "gardes du corps" et guides, par l'ami d'un couchsurfeur qui ne pouvait m'héberger personnellement, mais a tout fait pour me trouver toît et compagnie.

Un pied dans la Mer Noire!
Peu de parties de la route ont résisté aux intempéries de la veille.

Spécialité locale: Muhlama, en compagnie de Başar.

Chaleur saturée d'humidité, le soir a Trabzon, les enfants jouent pendant des heures dans les fontaines.


Même en ville les routes n'ont pas été épargnées. Quand on regarde dans le trou, on voit couler la riviere au fond.

Fêtant leurs visas, les "lauréats" du jour, rejoints par mes deux couchsurfeurs de Trabzon, Başar et Zafer.

Nous montons ensuite admirer le coucher de soleil sur la Mer Noire.


(Les "lauréats" a la sortie du consulat. Japon, Corée, Pologne, Allemagne, France, Angleterre...)

Ainsi que vous l'aurez compris, j'ai désormais en poche mon visa Iranien.
Ce n'est hélas pas le cas de tout le monde. Philip, citoyen Anglais et cycliste, se l'est vu refuser. Il doit passer par la filiere internet. Qui ne fonctionne pas. Personne n'avait d'info concernant cette nouvelle disposition a l'égard de nos amis d'outre manche.

C'est d'autant plus triste, qu'il était venu spécialement en bus de nuit depuis Tbilissi, en compagnie de Gauthier (Français), et Patrick (Allemand), rencontrés deux jours avant, et avec lesquels il comptait faire un bout de chemin, au moins jusqu'en Ouzbekistan. Il était d'ailleurs le seul a avoir déja visas Turkmene et Ouzbek. Difficultés également d'obtention du visa pour l'Azerbaijan, il est coincé, et va sans doute devoir prendre un autre bus de nuit, puis un vol pour le Turkmenistan...

C'était pourtant une belle journée, passée en compagne de ces trois cyclistes dans l'attente de nos visas. Ils m'ont fait envie a filer ainsi, sur leurs bolides! Pourquoi pas un jour, dans des pays trop plats?
Mais ils m'ont confirmé également le manque de souplesse de ce moyen de locomotion, des qu'il y a obligation ou envie de se déplacer autrement. Ou tout simplement de s'arrêter pour visiter quelque chose ou acheter a manger.
Et de tres belles montagnes m'attendent...

Car suite à plusieurs rencontres de voyageurs, et de Géorgiens, entre autres des montagnards sportifs, qui m'ont
vanté les charmes de la Georgie et de l'Arménie, montagnes et nature
magnifiques, parcs nationaux préservés, je vais les traverser, et
rejoindre l'Iran par l'Arménie.
Qui plus est, Géorgie pas de visa, séjour limité a 360 jours! Et Arménıe, visa a la frontiere, 10 euros. Cool.
Ceci aura aussi l'énorme avantage de me faire zapper une partie du Ramadan en pays Musulmans, qui risquent de perdre beaucoup de leur charme, lorsqu'on ne peut vous heler plusieurs fois par jours, avec de retentissants Çay! Çay!
Première surprise.

La deuxième, est que je vais faire une partie plus ou moins longue de
tout ça, selon nos envies mutuelles, en compagnie de Lisa.
Lisa, que j'avais rencontrée à Kaş, et avec laquelle je m'étais
rendue, et avais passé quelques jours au rainbow gathering, désirait
elle aussi se rendre en Iran.
Elle désire finalement elle aussi,
découvrir ces deux autres pays. Elle devait me rejoindre dans les montagnes dans quelques jours, apres être passée a Trabzon prendre son visa. Mais ça semble compromis, car elle est Anglaise.

Qui plus est, Lisa aime marcher, et avait fait de son côté, une bonne
partie de la voie Lycienne.
C'est une tres jolie jeune femme de 31 ans, voyageuse infatigable, qui a déjà
visité une quarantaine de pays en stop et marche.
Elle a passé le mois de juillet dans le sud de la Turquie, afin de
gagner un peu d'argent, en donnant des cours d'Anglais.
Nous étions restées en contact, attendant de voir si nos calendriers
respectifs nous permettraient de nous retrouver.

Elle devrait néanmoins me rejoindre prochainement aux alentours de Trabzon, pour
quitter la Turquie sur un trekking dans les montagnes du Kaşkar.

Pour moi, après l'Iran, un gros problème va se poser. Lié aux saisons, et encore une fois, aux
visas. Parfois impossibles a décrocher, et toujours trop courts pour une traversée d'immenses pays a pieds.
En effet, à force de tours et détours en Turquie, même en me
dépêchant, je ne pourrais pas franchir les montagnes, de l'Iran à la
Chine, en passant par le nord (Ouzbékistan...). Ainsi que le nord de la
Chine avant l'hiver. La route du nord, initialement envisagée, est donc condamnée. Les cyclistes eux-mêmes craignent d'arriver un peu tard. Et pourtant, ils foncent!

Quant au sud, il ne reste que l'Afghanistan et le Pakistan, pour
lesquels je ne pourrai obtenir de visas.
Impasse.

Lorsqu'on regarde le parcours de ceux qui ont fait ce genre
de voyage, ils ont toujours du composer avec les saisons à un moment
donné. Le faire dans la continuité à ce rythme, semble impossible.
Certains le font à vélo, ce qui va beaucoup plus vite et permet de mieux
gérer les saisons.
D'autres, comme Bernard Ollivier, le font en plusieurs fois, ce qui
permet de viser la saison voulue et idéale.

Et si vous aimez les blogs de voyage et voulez avoir une idée de quelqu'un qui l'a fait en
intégralité et pas mal de galères, vous pouvez aller jeter un œil
au blog de Gauthier, que je ne connais pas personnellement, et que nous
avions découvert quelques semaines avant le départ.
C'est un pur et dur, qui faisait entre 40 et 70 kilometres par jours, y compris sur les grands axes, alors que je me traine, avec mes 20 a 30 km, et mes détours.

Mais j'aime bien m'arrêter tôt pour profiter des personnes qui m'accueillent, et des lieux nouveaux. Je privéligie de plus en plus la rencontre aux dépends de la rapidité.
Étant parti au printemps, Gauthier avait du s'arrêter 4 mois à Istanbul,
pour attendre la fin de l'hiver.
Blog: Borée Shanghai.

J'ai beau tourner le problème dans tous les sens, il n'y a pas de
solution idéale, même en s'aidant de bus ou stop sur certaines
parties.
Devrais-je prendre un avion pour l'Inde a Teheran? C'est ce qui semble le plus
vraisemblable.

J'ai également posé ma candidature sur plusieurs sites, pour être équipage sur un bateau
de l'Iran vers l'Inde afin d'éviter l'avion.
Mais quelqu'un qui a
beaucoup voyagé ainsi, m'a dit qu'il y avait peu de chances, car tous
les voiliers vont d'est en ouest, en raison des vents, et pratiquement
jamais l'inverse.

Après l'Inde, le même problème se reposera quand il s'agira de
passer la Birmanie, le vol étant imposé à un moment donné.
Voilà en gros la triste réalité de notre planète.

Lorsqu'on marche, on a souvent le sentiment qu'à force de mettre
tranquillement un pied devant l'autre, on peut venir à bout de tout,
mais hélas pas de l'absurdité des décisions humaines.

Comme nous le scandions hier a l'intention de Philip:
"Rien ne m'arrêtera! ;-) A part les visas! :-("

Donc, quitte à ne pas réaliser ce voyage tel qu'il pourrait être
rêvé, j'essaie maintenant, de sélectionner les lieux de marche,
même s'ils rallongent considérablement lorsqu'ils passent en
montagne, mon péché mignon, en rattrapant ensuite les détours, par des morceaux en autostop.
Car finalement, autant se faire plaisir n'est-ce pas?
L'idée première étant de garder l'envie, et le plaisir de la marche,
et non pas d'inscrire mon nom au Guiness...

Nous adaptons tous nos projets et voyages, au gré des difficultés, et personnes rencontrées.
C'est aussi ce qui en fait le charme...

Je terminerai ce long et fastidieux exposé technique, en vous conseillant le blog d'un autre Gauthier, l'un des cyclistes rencontrés au consulat: triptherapy.
Il est tres bien écrit, dans une prose que je trouve extrêmement poêtique.

Je quitterai demain Trabzon, ou je me suis attardée, car il s'y déroulent les jeux olympiques de la jeunesse. Apres avoir assisté a quelques compétitions de natation en direct, et a une victoire Française sur écran géant en basket féminin, nous allons ce soir a la cérémonie de clôture.

Je ne repars donc que demain, et bien que n'ayant pas trouvé cartes et topos des monts Kaşkars, je vais essayer de m'y rendre, pour continuer a avancer, en attendant l'arrivée de Lisa dans 5 jours environ.

Car l'itinéraire longeant la mer n'est qu'une sorte d'autoroute, bruyante, dangereuse et malodorante...
Il parait qu'en Géorgie, il est facile de trouver des cartes. Des vraies, détaillées et tout!
J'ose a peine en rêver, tant ça a été un handicap en Turquie.

Avant de vous quitter, je vous remercie pour vos commentaires nombreux a la suite de l'émission de France inter, qui m'encouragent et me portent toujours plus loin. Ça fait chaud au coeur.

dimanche 24 juillet 2011

Poissons docteurs, puis je fais peur...


Après avoir quitté Kayseri, je suis bien tentée d'aller jeter un œil au lac salé, qui se trouve pratiquement sur ma route.

J'avais zappé le premier, immense, qui m'aurait fait faire un trop grand détour. Ici, il ne me faut faire que 7km jusqu'au lac, pour revenir à mon point de départ le lendemain matin, en campant près du lac.

Mais c'est sans compter sur "le bon génie de la lampe", qui exauce les souhaits sans même qu'ils soient formulés...

Je prends sur la gauche une petite route y menant, et à peine ai-je fait quelques mètres, que Guhan, Fatima et Mehmet, jeunes fermier(e)s en train de sarcler un champs de tomates, m'appellent pour les questions habituelles: d'où viens-tu, où vas-tu, comment, pourquoi, es-tu mariée, as-tu des enfants, combien, quel âge ont-ils? sont-ils mariés...?


Questions bien entendu accompagnées, d'eau fraîche, puis d'un thé, puis de pain et fromage. Et enfin: reste avec nous, ce soir tu viens dormir dans notre vraie maison (ici c'est celle des champs), près du lac salé, demain matin on y fait un tour ensemble, et on te repose ici après. La proposition est trop belle, je ne me fais pas prier.Et nous continuons donc le sarclage ensemble une bonne partie de l'après-midi.


Puis, départ en camion, je ne sais pour où. Quelques kilomètres plus loin, nous rassemblons 4 par 4, les bottes de foin pour que le tracteur les saisisse et les jette dans le camion, où les femmes les rangent. Même chose dans le champs suivant, jusqu'à la nuit bien tombée...

De retour à la maison, Fatima (30 ans), retrouve ses trois enfants gardés par leur grand-mère, s'occupe d'eux, prépare à manger pour tous, s'occupe de moi, douche, lit..., range tout, et va se coucher fort tard.
Dès l'aube elle s'occupe des animaux, prépare le petit-déjeuner, puis nous montons en voiture, un petit tour pour voir le lac, un petit tour au marché du village, ils me reposent où ils m'ont trouvée la veille, et c'est reparti pour une grosse journée de labeur...
Je suis tombée amoureuse de cette jolie famille, en particulier de ces deux femmes, belles, toujours souriantes, disponibles, attachantes.
D'ailleurs il est assez habituel de se faire de grandes déclarations d'amour entre femmes. Quand le courant passe, on se dit je t'aime, je t'aime, le plus chaleureusement du monde.


Et je les quitte la larme à l'oeil, car oui, je les aime!









(la femme ci-dessous brulait de poser a mes côtés, mais pas sans foulard! On m'en a donc prêté un pour la circonstance)

(le lac salé)


A Sivas, je suis accueillie par Ismail, un super couchsurfeur, attentionné, curieux, drôle, jeune professeur à l'université. Pendant mon séjour nous effectuons son déménagement, nous faisons un pique-nique barbecue avec ses amis, entre quelques bonnes parties de volley et de basket. Dans la journée je peux profiter de l'ordinateur de la bibliothèque de l'université, visiter la ville, qui possède de magnifiques mosquées Seldjoukides, et il me prête son téléphone pour l'émission de France inter.

( A ce sujet, comme je n'ai prévenu personne, n'étant pas certaine d'être joignable, vous pouvez si vous le voulez, podcaster l'émission de Thomas Chauvineau "ça vous dèrange?" du 15 juillet: la marche donne-t-elle de l'esprit?Je ne connaissais pas moi-même l'intitulé lors de l'interview. Je savais qu'il s'agissait de marche, sans plus.)









Un moment fort ègalement à Sivas, lors de la visite d'une mosquèe. Jetant un oeil dans la partie rèservèe aux femmes, j'en aperçois une qui prie, et m'éclipse pour ne pas la déranger. Mais elle m'a vue, et me rappelle.

Elle me demande si je connais la prière, et devant mon ignorance, me fait répéter derrière elle chaque phrase, et nous prions ainsi ensemble.

Elle semble trouver que je suis une bonne recrue, et m'emmène sur un tombeau, où nous renouvelons notre prière. Elle demande à Allah de veiller sur moi, et nous nous quitons après une longue accolade.

Ismaïl me dira, lorsque je lui raconterai l'anecdote, que je suis maintenant convertie. Ha bon. Ça les fait beaucoup rire lui et ses amis.









( Le minaret penche d'un centimetre de plus par an...)








(Hmmm une bonne Pide, genre de pizza Turque, longue et sans tomates)


(Mosquée exceptionnelle par le nombre de ses piliers, et dont la tour penche)


Après Sivas, je reviens un peu en arrière, car je viens de prendre connaissance de l'existence près de Kangal, des poissons docteurs (chercher sur Internet).

Dans une source thermale à 37-38 degrés, des poissons apparement uniques au monde, viennent vous grignoter, tout en sécrétant des trucs qui soignent tous les problèmes de peau.

Associés aux propriétés de l'eau, qui soigne les rhumatismes, les nerfs, et que sais-encore, vous ressortez de là détenduuuu, et propre comme un sou neuf!


( Pique-nique Turc du vendredi soir, dans un parc dédié aux piques-niques)



C'est un des trucs les plus délirants que j'ai fait, de se faire bouffer par des dizaines et des dizaines de petits poissons! Il y en a au moins deux sortes. Des tous petits, qui vous chatouillent sans arrêt en procurant un micro-massage, et semblent préparer le terrain aux plus gros, qui foncent sur vous, tapent un grand coup (un grand coup de petit poisson), choppent un morceau, et repartent aussi sec.

Et ils sont plein à faire ça en même temps! Trop marrant! Je rencontre dans cette piscine très spéciale, Husne, jeune femme enseignant l'Anglais à Istanbul, et nous papotons trois heures durant dans notre jus poissoneux. Elle est là pour accompagner sa sœur, qui fait une cure de deux semaines.


(Ce ne sont pas mes pieds, car photos interdites dans la piscine des femmes. Ce sont ceux d'un Monsieur ayant posé sa chaise dans la riviere)


Lorsque je repars, car si l'accès aux poissons ne coûte que 2,50€, l''hotel, lui, en coûte 55, elle m'aide à trouver une famille qui me reposera à Kangal, car les taxis eux, prennent entre 7 à 15€!

Le business est juteux, la source thermale se trouvant loin de tout, et étant inaccessible en transports en commun.(Alors qu'en ville, en général, vous pouvez trouver un hôtel pour 10 à 15€, avec douche, wc, petit déjeuner, et souvent wifi, télé.)



Et ô miracle, depuis Kangal, un "raccourci", s'offre à moi, entièrement par les montagnes, de village en village, jusqu'à Zara.

Enfin de la marche comme j'en rêve!Dès le déjeuner, dans le village de Dayılı, me voici invitée par Hüseyin.

Sa femme, Atice, nous rejoint, puis un jeune garçon, qui parle Allemand parfaitement. Et aussi Anglais. Sa cousine arrive, qui parle Anglais, et parfaitement Français.

Je pense tout d'abord être tombée sur un village d'extra-terrestres, car jamais personne dans les villages ne parle un mot d'Anglais (à part hello), et encore moins de Français.

Mais adieu les extra-terrestres, ce sont simplement les enfants en vacances, des familles parties vivre et travailler à l'étranger. La maman de la petite Alice, Céline, arrive plus tard, et nous parlons Français. Après le dîner, les femmes ont pour habitude de faire ensemble une petite promenade digestive.


(Petit Kangal. Les gros sont beaucoup plus gros!. Lorsque ce monstre de tendresse joue avec vous, vous sentez tout de suite qu'il faut arrêter le jeu avant de perdre un bras...)




(Promenade du soir, on cherche une source, et nous couperons sans vergogne a travers champs)(Boire a la source...)





Le lendemain matin, Céline et Atice m'accompagnent un moment, et me souhaitent bonne route, non sans m'avoir montré quelques plantes qui soignent, ou qui se mangent, et le chewing-gum permanent obtenu à partir de la sève d'une plante.


Puis soudain, tout change. J'ai l'impression d'avoir franchit une frontière imaginaire.


(J'avais trouvé la caverne. Les 40 voleurs étaient absents. Allais-je m!emparer du trésor? Apres mûre réfexion, je l'ai laissé pour les suivants... Il vous attend. Avis aux amateurs...)



J'arrive dans le village de Çavdar, en début d'après-midi, et, dès mon arrivée, entourée d'une nuée d'enfants, je tâche de m'enquérir de la distance jusqu'au prochain village, Aktaş.

La seule réponse que j'obtiens, est que c'est loin, mais que si j'ai de l'argent, une voiture peut m'y conduire. Est-ce que j'ai de l'argent? Non. Je veux y aller à pieds.

Je demande s'il y a un mini-market dans le village, ce qui a généralement pour effet, lorsqu'il n'y en a pas, de me faire inviter, au moins pour boire un thé. Mais là, rien.

J'essaie de pénétrer plus avant dans le village, mais suivie de ma horde d'enfant, difficile de faire des rencontres. Les choses s'annoncent mal.

Je finis pas savoir qu'il y a au moins 20km jusqu'au prochain village, et comme je viens d'en faire déjà une bonne vingtaine, je ne m'en sens pas trop le courage.

Chemin faisant, alors que résignée, j'attaque le raccourci qui évite les lacets de la piste, la foule grossit autour de moi.Questions, questions, toujours les mêmes, et seule Ece, petite jeune fille de 20 ans, se démène au téléphone, tout en me suivant, entourée de sa soeur, sa cousine et quelques amies.

Au passage je demande quand même à une femme si je peux planter ma tente derrière sa maison, et elle me le refuse. Du jamais vu en Turquie!

Je continue donc. Mais Ece me rappelle, et me dit de redescendre avec elle, car une voiture va venir, qui me conduira à Aktaş. Pourquoi pas, car il est un peu tard pour y aller à pieds, et l'hospitalité ici semble compromise.




Et tout au long de ma traversée du village, ils n'ont cessé d'essayer de me décourager, me disant tour à tour que la montagne était truffée de loups, de terroristes armés jusqu'aux dents, de serpents, de sangliers, de violeurs, d'assassins, d'ours, de chacals, et j'en oublie!

Ils n'ont pas mentionné dragons et tigres, mais je ne doute pas d'en rencontrer des dizaines si je m'engage dans cette montagne.

Je redescends donc, et m'installe avec Ece sur le canapé de la terrasse d'une maison. Nous attendons, sous le regard d'une vingtaine de personnes qui continuent à nous tourner autour, et commencent à me demander si j'ai un passeport, et si oui, de le leur montrer.



Alors que nous attendons, le Muhtar (shérif, maire, policier en gros), fait son apparition.Pas sympa du tout, ne me proposant aucune aide, il me demande également mon passeport.

Du jamais vu non plus, il n'y a aucune raison. Il repart, vexé.

Entre temps, toujours aucun véhicule en vue, Ece me propose d'entrer dans la maison, et m'offre un thé. Elle est là pour quelques semaines, dans la maison de ses parents absents, avec sa grand-mère et sa petite sœur. Tous vivent à Istanbul le reste de l'année.

De fil en aiguille, elle m'offre aussi à manger, et l'hospitalité pour la nuit. Son petit ami passe, et nous allons nous promener autour du village.



Mais à notre retour, un individu très énervé, m'informe que je dois immédiatement monter dans sa voiture, pour me conduire à la gendarmerie. Ils veulent voir mon passeport.

Je ne sais même pas de quelle gendarmerie il s'agit. Je refuse donc, et rentre dans la maison.

Le muhtar revient alors, et m'ordonne de partir avec l'hystérique de service.

Je refuse, m'assieds dans le canapé, et lui déclare que si les gendarmes sont si pressés de voir mes papiers, ils n'ont qu'à venir les chercher eux-mêmes.Et je m'ancre dans le canapé.

Pendant un bon moment il vocifère et gesticule devant moi, menaçant.


Il finit par s'assoir, prendre le téléphone, et appeler les gendarmes.Un gars parle anglais, il me le passe.

J'explique ce que je fais, qui je suis, que je suis fatiguée, invitée ici ce soir, que je ne vais pas monter en voiture avec n'importe qui et perdre au moins trois heures, mais qu'ils peuvent venir me voir s'ils considèrent que c'est urgent.

Après négociations et navettes de traductions à son chef, peu désireux de se déplacer, je leur communique mon numéro de passeport par téléphone, ils me disent qu'il n'y a aucun problème, et me proposent de me loger si je passe les voir.

Je leur repasse le muhtar, auquel ils expliquent qu'il n'y a pas de problème, et il s'en va enfin.


Il n'avait pas cessé de me mentir sur le lieu où se trouvait la gendarmerie, pour me convaincre. Parfois au village suivant, alors que je constaterai le lendemain qu'il est presque impossible de s'y rendre en voiture, la piste souvent traversée par des cours d'eau, parfois dans telle ou telle ville. Une sorte de gendarmerie volante quoi!


(Une bande d'adolescentes m'offre l'hospitalité, refusée par les adultes apeurés!)


Nous passons alors une très bonne "soirée dictionnaire", comme souvent, cherchant tour à tour les mots qui nous manquent pour nous faire comprendre, et finir par nous raconter des tas de trucs.


Le lendemain, Ece, sa sœur et sa cousine m'accompagnent un peu, pour me montrer le chemin, et surtout le moyen d'éviter les lacets de la piste.

Après, c'est "tout droit" en tournant, et en ne choisissant pas les pistes sans issues menant aux anciennes carrières. Trop fastoche.

Sur le trajet, point de tigres ni de dragons. Personne. Et à la descente après un col à 2000m, une vallée paradisiaque dans laquelle il aurait fait bon camper...



Quelques kilomètres avant le village, je croise enfin un camion, qui apporte les marmites et gamelles des ouvriers d'une carrière proche. A l'invitation du chauffeur je monte, et nous déjeunons tous près d'un ruisseau et d'une source, à l'écart de la carrière.


Dans l'aprés-midi, un orage commence à gronder alors que j'arrive à Aktaş.

Tout va bien, je devrais trouver un abri.

Mais dès les premières personnes rencontrées, je déchante.

Même cirque que la veille en pire. Les habitants me demandent mon passeport, et comme je refuse de le montrer, l'un d'eux se fait passer pour le muhtar, appuyé par deux mégères qui l'accréditent!

Refus, téléphone à la gendarmerie, une autre, qui ne veut même pas savoir mon numéro de passeport, qui leur explique qu'il n'y a aucun problème, et qui se demande bien pourquoi on a appelé. Je les laissent se débrouiller.


Une fois rassuré, comprenant que je ne suis pas une terroriste, prête à ouvrir la porte aux ennemis une fois dans la place, le faux muhtar m'invite chez lui pour un thé, puis une vague hospitalité quémandée, sur une terasse couverte.


Mais plus tard le fils du vrai muhtar m'invite, et je ne suis pas mécontente de les planter là.

Et alors que je traverse le village, tout le monde appelle pour demander à m'héberger! Un peu tard...



La famille de ce muhtar me semble différente au premier abord, mais je n'arrive pas à définir en quoi.

Et c'est lors de notre "soirée dictionnaire" que j'apprendrai qu'il sont "alévis".

Afin de ne pas mourir idiote, j'ai cherché plus tard sur Internet, et pour ceux qui sont aussi ignorants que moi, voici le lien d'un article qui explique assez bien la chose, et ce que j'ai ressenti en présence de cette famille.


http://www.cles.com/dossiers-thematiques/spiritualites/pour-un-islam-different/article/alevis-des-musulmans-mystiques-et


(Déjeuner sur l'herbe...)


Je me suis demandé ce qui avait pu provoquer ce comportement si différent des villages croisés jusqu'alors.

C'est tout simplement que ces villages, situés entre 1600 et 1800m d'altitude, ne sont pratiquement pas habités l'hiver.

Les personnes rencontrées sont donc pour la plupart, sauf les alévis, des citadins en vacances, qui ont amené avec eux toutes leurs peurs et leur agressivité, tout en ayant perdu le sens de l'hospitalité.

Heureusement, ça ne s'est pas représenté par la suite, et la Turquie m'a à nouveau montré son visage hospitalier...


( La famille du vrai Muhtar)


PS 1: Suite à la demande de Frédéric, voici le lien du blog de Pedro: http://50mmjourney.blogspot.c om/ (espagnol-Anglais), qui va aussi prochainement parler de mon blog et mon parcours.


PS 2: Merci Célio pour la carte en tête de page qui résume en gros le parcours.


PS 3: Très prochainement un petit point sur la suite de l'itinéraire et ses surprises...