jeudi 15 mars 2012

FORET TROPICALE HUMIDE


Au revoir Thailande!
Dans quelques mois, les voyageurs se rendant de Thaïlande au Laos, et
vice-versa, seront privés de cette pittoresque traversée.
Quelques kilomètres avant la frontière, j'avais croisé le chantier
du grand pont, qui permettra aux camions, et autres véhicules de
franchir rapidement le fleuve.
Ce sera à l'avenir le seul moyen de se rendre de l'autre côté.
Et le flux de camions exportant les marchandises Chinoises et d'Asie
centrale, sera sans doute très dense.
Bonjour Laos...
Pour l'instant en tous cas, arrivé sur la berge de Huay Xai, tu sautes
de la barque, et quelques minutes et trente dollars plus tard, te
voilà en possession d'un visa d'un mois au Laos.
Malgré la légèreté des informations dont je dispose, je prévois un
séjour 100% marche, en faisant un détour d'environ 170km, afin de
passer dans la forêt, et croiser des villages Hmongs et Akhas, loin
des itinéraires touristiques.
Elles sont trop classes les Laotiennes avec leurs ombrelles sur les deux roues. Meme lorsqu'elles conduisent, telephone et ombrelle dans une main, et guidon dans l'autre!
.
Ca fait un peu "parvenu" comme maison, mais les pilotis m'ont scotchee.
Je ne suis pas très sûre de mon coup. Ce programme me fera passer le
long de la frontière avec la Birmanie, dans une zone assez déserte,
longeant le Mekong, région que le site du gouvernement Français
déconseille, en raison d'affrontements récents entre les deux pays.
On me met aussi en garde contre les trafiquants d'opium, qui sévissent
sur cet axe.
Il y aurait aussi un poste militaire à la limite de deux provinces, ce
qui n'est pas pour me rassurer.
Et personne ne peut me dire à quelle fréquence je pourrai trouver du
ravitaillement, et simplement de l'eau.
Mais après mes deux semaines d'échauffement en Thaïlande, j'ai
retrouvé la marche avec tant de plaisir, et j'ai une telle pêche,
doublée d'un moral d'acier, que rien ne me semble insurmontable.
Surtout si près du but!
L'objectif est "aucun transport a roues depuis les montagnes Thailandaises jusqu'a la frontiere Chinoise."
Et ça tombe bien, parceque la pêche et le moral, ce sera le minimum
à avoir!

Cette pauvre mamie tente de traverser a son rythme depuis un moment, visant entre deux passage de vehicules.

Il me faut tout d'abord emprunter l'axe principal, qui pour l'instant
reste encore une route d'importance modérée, fréquentée par un
nombre raisonnable de camions.
Premiers contacts mitigés. Un jeune homme parlant un peu Anglais,
alors que je suis en train d'acheter des fruits en bord de route,
m'invite dans sa famille, tout d'abord à boire un verre d'eau, puis à
déjeuner.
 Il me fournit les phrases et mots clés dont j'aurai besoin.
C'est une famille Hmong, mais pas de costumes traditionnels ici, à
part le sarong pour les filles et femmes, d'après ce que j'en vois,
car toute la famille est agglutinée et vissée devant un soap, à la
télé. L'histoire se passe dans un village de cases, près d'une
rivière dans la forêt.
 Les intrigues sont les mêmes que dans les
soap-opéras que j'ai vu dans tous les pays traversés, seul
l'environnement change.

Je quitte cette famille, qui à part le jeune en question, accorde à
peine un regard à cette "farang", qui vient perturber la grande messe.
Je ne sais a quoi sert cette plante, frappee pour etre debarassee de son pollen, puis mise en bottes, mais des villages entiers s'y emploient en cette saison. Souvent, au milieu de la rue, tout le monde est accapare par cette tache.
En fin d'après midi, bien que je n'aime pas ce genre d'endroits, je
demande à un couple tenant une station service, si je peux planter ma
tente sur la pelouse derrière la station.
Refus catégorique. Je crois bien que c'est la première fois que ça
m'arrive.
J'opte un peu plus loin pour un pré, le long duquel coule un minuscule
ruisseau, mais qui m'assurera toilette et lessive. Tous les jours,
quelles que soient les conditions, j'ai toujours réussi à me laver,
ainsi que mes affaires trempées de sueur.
 Ce qui me vaut, le
lendemain, l'étonnement d'un couple de cyclistes Néo-Zélandais, en
route également depuis plusieurs mois pour un long périple. Je leur
raconte mon parcours, "mais tu es si propre" s'exclament-ils,
dubitatifs!
Bon, ils ont peut-être raison, je devrais essayer une couche de crasse
afin d'être plus crédible. Y compris auprès des hôtes potentiels.
Ma "premiere ecole".

Mais même si ce nettoyage quotidien est une véritable corvée, et
m'oblige à m'arrêter tôt chaque jour pour sécher mes affaires au
maximum avant l'humidité du soir, il est au dessus de mes forces de
remettre un tee-shirt puant et raide de sueur le matin au départ.
Même si parfois je l'enfile encore humide. Ainsi que le pantalon,
lavé lui, un jour sur deux seulement. Et le jeu de slip et
chaussettes, finissent de sécher sur le sac dans la journée.

Trève de détails techniques, revenons dans ce pré. Je demande à une
femme qui y passe avec ses vaches, si je peux m'y installer.
 Oui.
 Je ne plante pas tout de suite la tente, attends la tombée de la nuit,
afin de ne pas trop attirer l'attention, car on peut me voir depuis la
route, et l'arrière du village en surplomp.
Malgré tout, des enfants passant par là, s'attardent, préviennent
les copains, les parents, et tout le monde trouve un truc à faire au
bout du pré, à une distance toutefois raisonnable, environ 100m,
n'osant pas m'adresser la parole.

Je finis par planter la tente. Et ce n'est qu'après, que chacun se
rapproche. Un homme, peut-être le simple du village, vient semble-t-il
m'expliquer que cette nuit il va venir chasser dans le coin, mais que
je ne dois pas avoir peur et faire du karaté sur lui. Et que je vais
me faire attaquer par le taureau qui est dans le pré.
 Ok, merci des conseils, bonsoir!
Les premiers jours, tres peu de vehicules sur la piste, j'adopte la solution foulard. Bon, ok, je fais peur.
Puis une femme et ses enfants viennent, alors que je suis installée et
prête à me coucher, et me demande: manger?
Je ne sais jamais ce que je dois répondre. Ils me demandent souvent
ça. Mais je ne sais pas si ça veut dire "As-tu à manger?", ou, "Veux- tu manger?".

 Les premiers jours, j'ai essayé le non et le oui, sans
plus de résultat. Quelque soit ma réponse, ils repartent, l'air
rassurés sur mon sort.
Puis, elle me propose de venir dormir chez elle. Enfin je crois.
Il fait nuit noire, je suis fatiguée, j'ai tout installé, je décline
son invitation.

C'est à la suite de plusieurs expériences de ce genre, que j'ai
commencé à piger le mode d'emploi. Il semble qu'il n'y ait aucune
anticipation.
Il ne faut pas attendre une invitation à diner ou dormir
pour un peu plus tard dans la soirée, il faut dire, "bonjour, manger".
Et, surtout s'ils sont en train de manger eux mêmes, ils te font une
place, et poussent la feuille de bananier avec le riz ou autre chose
vers toi.
 Parfois, si tu passes près de femmes en train de faire leur
pause déjeuner, elles te disent la même chose: "Bonjour. Manger?", et
tu t'installes à leurs côtés.

 Mais la plupart du temps, il faut
s'imposer, dans l'indifférence, ou malgré leur peur.
Et voila les femmes qui s'enfuient a ma vue.
Je passe donc cette première nuit sous la tente.

Et c'est là que le mot "humide", dans "forêt tropicale humide", prend
tout son sens. Même au cœur de la saison sèche, quand il n'a pas plu
une goutte depuis des mois.
Au matin, tout est trempé. Et le soleil ne parvient à percer le
brouillard que vers 9h, les bons jours.
Quand je dors à l'intérieur, j'entends comme de la pluie toute la
nuit. Le matin, il y a des rigoles sous les toits, et des flaques par
terre.

Impossible d'attendre tous les matins que le soleil fasse son
apparition pour secher la tente, et perdre ainsi de précieuses heures.
Je décide donc que je devrais trouver un abri chaque nuit, sauf
urgence.
Le deuxième soir, je trouve une école déserte, dont les classes sont
ouvertes. Quelques maisons en face. Je demande à un gars, qui s'en
fout, et je choisis l'une des classes.

Je ne trouve jamais personne parlant Anglais, et pourtant, sur chaque tableau, je vois des phrases en Anglais. Mystere. J'aimerais rencontrer un jour le professeur  qui a trace ces lignes. Ce qui finit par arriver. Mais elle ne comprend rien a ce que je lui dis, et ne parle que par mots haches, sans reussir a faire de phrases. Je comprends mieux pourquoi personne ne parle Anglais.

La foret me fascine.
Mais, alors qu'il fait déjà nuit, deux jeunes gens en mobylettes
arrivent, et possédant les clés d'un petit local attenant, semblent
s'installer pour la nuit.
J'étais dehors lorsqu'ils sont arrivés, donc ils m'aperçoivent. Je
leur dis bonjour, puis m'éclipse discrètement dans le noir, et
rejoins mes pénates.

Mais je ne les sens pas trop les gars, et ne me couche pas tout de
suite. Un troisième larron arrive. Je ne sais ce qu'ils lui racontent,
mais équipé d'une lampe frontale, je l'entends visiter plusieurs
classes.

Lorsqu'il arrive à la mienne, qui ne ferme pas à clé, et dont j'ai
"piégé" la porte en mettant un banc derrière, il ouvre, et le banc
tombe dans un grand fracas. Au même moment, j'allume
moi-même ma frontale.

Le type pousse un horrible cri de pure terreur, et fait un bond de
plusieurs mètres en arrière.
Lorsque je sors, il est dans les bras de ses deux copains qui rigolent
de la bonne plaisanterie qu'ils lui ont faite. Mais eux-mêmes ne sont
pas rassurés. Ils m'avaient aperçue, et me supposaient quelque part,
mais ne savaient pas si j'étais seule. Ils ont donc envoyé leur
copain au front, sous un prétexte quelconque, restant eux-même en
retrait.

Je leur parle, tout en les éblouissant plus ou moins a dessein, m'excuse auprès
du dernier gars de la peur que je lui ai faite, et les plante là avant
qu'ils ne reprennent vraiment leurs esprits.
Je perfectionne mon dispositif anti-infraction, qui n'empêche rien,
mais m'avertit de toute intrusion, et me couche.

Ils écoutent la radio et fanfaronnent pendant un petit moment, puis se
couchent aussi, car le matin ils se lèvent tôt.

Le matin, le garçon auquel j'ai fait la terreur de sa vie, m'en veut
un peu je crois, et frappe à ma porte avant de partir, en essayant me
semble-t-il de me dire des trucs pas sympas en simili Anglais, que je
ne comprends pas.
Toujours innatendues, les réactions des Laotiens vont du pire au
meilleur, entretenant un suspens haletant.
Dans les tribus le long de la première piste que j'emprunte, je fais
plutôt très peur. Des femmes que je m'apprête à croiser, à une
centaine de mètres, s'enfuient en poussant des cris, dans une grande
panique. Elles en font tomber leurs paniers, et se réfugient dans une
rizière proche, ne s'arretant qu'après avoir mis une bonne distance
entre elles et moi.
 Je me dis qu'elles m'ont peut-être prise pour un
homme de loin, donc je leur crie bonjour!, afin qu'elles entendent que
je suis une femme. Certaines étant torse nu, la vue d'un farang a pu
les effrayer.
 Mais rien n'y fait, elles ne me répondent pas.

Plus loin, alors que je demande de l'eau, on m'indique, sans un
sourire sans un bonjour, le robinet du village, auprès duquel une
femme est en train de se laver, vêtue en bas, de son seul sarong. Elle
se pousse pour que je puisse remplir ma bouteille, et en plus de tout
le village qui me regarde avec sérieux, un homme s'approche d'elle
comme pour montrer qu'il entend bien la protéger au cas où. Je
repars, ne me sentant pas spécialement la bienvenue.

Heureusement, d'autres personnes m'ont offert quelques fois
hospitalité ou nourriture (souvent trop tard), ne demandant rien en
échange, et refusant tout paiement lorsque je proposais.
Une trentaine d'enfants m'entourent lors d'une pause ou une femme m'offre a dejeuner. Je lui demande si je peux prendre une photo d'eux, elle me dit oui, mais a la vue de l'appareil ils partent dans toutes les directions.
Certains villages degagent une douce atmosphere, de convivialite et de paix.
La seule valeur sûre était les monastères. Mais que je n'ai revus
qu'en retrouvant la piste principale, plus ancienne et plus
frequentée. Lorsque j'approchais d'un village et apercevais un bout de
robe orange quelque part, je savais que ma nuit était assurée en
sécurité.
A peine avais-je à demander, c'était toujours oui immédiatement.
 Au
temple de Xien Kok, après une étape très rude, je ne vois que des
petits moines, et leur demande où sont les plus âgés. Mais le plus
âgé de tous, ne semble même pas avoir 18 ans.
Ils m'autorisent non
seulement à rester dans l'enceinte du monastère, mais me prient
carrément de dormir à l'intérieur du temple, n'ayant ni bâtiment ni
kiosque ou terrasse pour m'abriter. J'y pose mes affaires, mais ne
déballe pas tout de suite, pensant qu'un bonze plus âgé risque
d'intervenir plus tard dans la soirée.

En attendant, je leur demande où je peux trouver de l'eau pour me
laver. Ils n'ont pas d'eau personnellement, mais me montrent l'endroit
où ils se lavent tous, en bordure de la rue principale du village, au
robinet commun.

Quelques jours plus tôt, dans un autre village, à l'heure de la
toilette, une femme m'avait emmenée avec elle jusqu'à la petite
rivière, salle de bain mixte et universelle.
 Et entre une énorme
truie qui se rafraichissait, une famille de canards, les hommes,
femmes et enfants, j'avais pris mon premier cours de lavage en public.
Tout un art, de se laver a demi habillée, les femmes vêtues de leur sarong
sur la taille, et moi, qui n'ai pas de sarong car trop
lourd et trop long à sécher, qui me vêts d'un foulard utilisé en
paréo.
 La femme insiste pour me donner de la lessive, du savon, une
brosse, et nous passons un bon moment toutes les deux.
J'aurais aime traverser pour acceder a un abri que j'ai apercu en face, et me demande comment faire.
 Arrive un homme, qui repond involontairement a ma question. Tant pis, je trouverai autre chose...
Mais me laver pratiquement nue au milieu de la rue avec des moines que
je n'ai pas même le droit d'effleurer, est assez surréaliste.
 Nous
partageons donc le robinet, pendant que l'un se rince l'autre se
savonne, ou frotte son linge, en un roulement autour de l'eau, les
petits moines facetieux tous blancs de savon ne me quittant pas des yeux, non
plus que les voisins et les passants.
 Et ce sera à peu près tous les
jours des expériences de ce genre pendant deux semaines.

Finalement, aucun plus âgé ne fera son apparition, et tout ce petit
monde se gèrant tout seul, une ribambelle de petites robes oranges
vient prier à la nuit, mais je les soupçonne d'avoir pas mal
accéléré les mantras ce jour là, que j'enregistre, et compare plus
tard à d'autres, enregistrés quelques jours avant dans un autre
temple, par des adultes.

Puis, l'un des plus vieux vient seulement vérifier au moment de mon
installation, que je me couche dans un axe qui ne constituera pas une
offense à Bouddha.

Au Laos, les monastères sont beaucoup plus pauvres qu'en Thailande, il
ne faut donc pas compter sur la nourriture, eux mêmes allant munis de
leur boite en fer, demander du riz à la population.

De nouvelles nuits dans les écoles vides, avec de nouveaux casses-
pieds à la clé, des rencontres en tous genres, entre indifférence,
generosité, ou intérêt financier, mais comme vous l'avez constaté,
très peu de photos de personnes.
Finalement, je m'arreterai ici, invitee a passer la nuit sur la terrasse de Metom. Qu'y a -t-il de si particulier et si apaisant chez lui? Je realise qu'il n'a ni electricite, ni eau, ni tele, ni scooter. Un dinosaure. C'est bien.
Le tabac seche.

Jom en cuisine. Il m'offre un oeuf et du riz, son repas semble-t-il, car lui ne mange pas.
Lorsque je demande, c'est quasiment toujours non, ou la fuite, ou,
après avoir dit non et quelques minauderies, une demande d'argent. Des
dizaines de photos exceptionnelles, qui resteront dans mon cerveau,
mais ne verront pas le jour sous forme de pixels.
Vieilles femmes aux dents laquees et bouche rouge de betel, les coiffes argentees de medailles ou grelots, les tatouages tribaux, les scenes de vie quotidienne villageoises...

Mes vedettes sont donc principalement la forêt, qui m'a literallement envoutée, le
fleuve, et le soleil.

Pas de photos de mariage non plus, bien que j'en ai croise une douzaine, et ete invitee une fois. Les femmes completement bourrees, m'ont tout d'abord gavee, me mettant directement de la nourriture a la main dans la bouche puis joignant les mains, sans se soucier de savoir si je pouvais l'avaler.

Je me suis donc retrouvee en trois minutes, la bouche pleine de 3 ou 4 boulettes de riz, de la viande, des legumes pimentes, du chou, des mandarines, alors qu'elles m'entrainaient pour danser.
Une danse monotone, style bal folk, mais ou il ne se passe pratiquement rien. Musique a rendre sourd, je me suis enfuie des que j'ai pu.

Et je n'ai ose prendre aucune photo, car eux-memes n'en prennent jamais. Dans tous les pays, tout le monde use et abuse de son telephone pour photographier, mais ici, la photo ne semble vraiment pas faire partie de la culture.

Zappant délibérément les circuits touristiques, je ne me suis pas
simplifié la vie, mais ai vécu des expériences très fortes et
passionantes que je ne regrette pas.

C'était physiquement assez difficile, grosses étapes s'enchainant
sans pouvoir les raccourcir, une moyenne de 25-35 km/jour, dont
plusieurs heures dans une chaleur intense.
Ma dernière nuit avant l'arrivée à Luang Prabang, a achevé de me
faire douter des bienfaits de la civilisation.
Sortes de petits autels provisoires apercus sur le chemin.
Tous les matins, le soleil se fait prier...
Après 35km de montees et descentes, au premier village rencontré, craignant de ne pas trouver
d'endroit propice pour planter la tente, je décide de tenter ma
chance, n'ayant plus trop le choix (mes ampoules, même soignées
quotidiennement, se réveillant toujours après 20km).

A peine arrivée dans le village, dès que j'explique que je cherche un
endroit pour dormir, tout le monde autour de moi se précipite pour
m'offrir sa maison. Un groupe plus insistant me dirige vers l'une des
cases, sans me laisser le temps de réfléchir. C'est étrange, ils
sont tous très jeunes, à part une feme que j'ai aperçue devant la
case d'à côté.

Dans les quelques mètres me conduisant à l'entrée, un jeune homme me
tend mes lunettes. Merci. Tiens, seraient-elles tombées?
 Puis je réalise qu'il les a plutôt récupérées dans les mains d'un plus
petit, mon stylo se trouvant avec, ayant lui, diparu. Je n'avais pas
anticipé mon arrivée ici, et donc laissé ces deux objet dans une
poche filet du côté, au lieu de les sécuriser comme d'habitude avant
tout "bain de foule".

Ça commence bien. D'ailleurs, à peine arrivés à l'intérieur, l'un
des grands met mon sac, mes bâtons et même mes chaussures, que je
voulais laisser à l'extérieur, loin de la porte, hors d'accès des
visiteurs incessants.
 Plusieurs des jeunes présents, m'informent
qu'ils dorment ici aussi cette nuit, et les allusions grivoises que je
prétends ne pas comprendre, fusent. Je m'interroge sur la sagesse de
rester ici.

( Je voudrais au passage detromper les auteurs de guides touristiques, qui affirment que les femmes sont tres en securite au Laos, les differences physiques etant telles, qu'ils sont trop impressionnes pour tenter quoique ce soit. Mais la tele est passee par la, et avec elle, l'image  de "femme facile" des Occidentales)
Horreur, malheur, voila ce qui arrive jour apres jour a cette divine foret primaire. (voir lien en fin d'article)

Je pars néanmoins faire ma toilette et lessive, on verra plus tard.
Comme d'habitude, robinet commun, spectacle permanent.

Quand je reviens, l'un deux, qui m'avait demandé si j'avais faim, m'a
préparé du riz et un œuf. Il a l'air plus calme que les autres, et
semble être plus ou moins le responsable du lieu.
Dans ma grande
naïveté, je trouve ça de bonne augure, et m'installe à la place
qu'il m'indique, alors qu'il installe pour moi sur une natte, couette
et oreiller pour plus tard.

Une fois ce devoir accompli, il m'annonce: opium.
C'est alors que j'aperçois ses long ongles comme les vieux Chinois
dans les films. Il s'allonge, et entreprend la longue et aparemment
difficile tâche d'allumer sa pipe.
 Il m'en propose, évidement, je
décline, mais lui demande à tout hasard si je peux prendre des
photos. Ça le fait rigoler, mais la réponse est non.

(Je me demande si c'est le genre de gars qui tentent de vendre de l'opium aux touristes, pour mieux les denoncer apres, et toucher une part de l'amende qui leur est infligee. Pas impossible)
Des tas d'enfants débarquent, et regardent admiratifs, le grand frère
à l'œuvre. Et ils y vont tous également de leurs allusions
grivoises, gestes à l'appui.
 Je songe à prendre mes cliques et mes
claques, mais la nuit est presque tombée et je suis fatiguée.

 Une femme entre alors, et essaie de me vendre des tas de trucs. Money
money money est son leitmotiv.

Puis, elle veut absolument m'imposer un trajet en tuk tuk le lendemain
jusqu'à la ville, à 25 km. Et enfin, elle me demande si je vais
donner de l'argent pour la nuit, et de montrer mon argent, maintenant.
Je n'entend plus autour de moi, que money money partout.

Je reprends mon sac, mes bâtons, enfile mes chaussures, récupère mes
affaires qui sèchent, et déclare que je m'en vais.
Je pourrais passer des heures a photographier l'evolution des effets de brume et de soleil le matin.
?

Mais dehors, chacun veut me retenir. Il fait nuit. L'un me dit: viens
chez moi, no money. Il m'avait présenté ses enfants un peu plus tôt,
mais, avait joyeusement participé aux grasses allusions, et je ne sais
pas s'il y a une femme chez lui. Certaines femmes semblent vivre
ailleurs.

La vieille femme de la maison d'à côté, me fait signe d'entrer chez
elle. Bon, allez ok, une famille, c'est plus rassurant.

Ha ha ha! Je découvre, à peine installée, que c'est la maman du
fumeur, et apparemment dealeur d'opium, de la première maison.
Une demi-heure plus tard, toute la fumerie d'opium se déplace et vient
s'installer là.

L'endroit est à nouveau envahi, je n'ai plus qu'à prendre mon mal en
patience.
La nuit sera courte, ils discutent et s'agitent fort tard, dans
l'unique pièce du logis de bambous, qui rebondit à chaque
déplacement.

Entre l'opiomane qui fume jusqu'à une heure du matin, et rallume sa
pipe la nuit chaque fois qu'il se réveille pour cracher, les bébés
qui se réveillent parfois en pleurant, les autres cracheurs et surtout
-cheuses machouilleuses de bétel, c'est très vivant.

Dès le premier coq, je me prépare, ne songeant qu'à m'eclipser
rapidement de chez ces Thénardiers Akhas, déjà contente qu'ils
n'aient pas été les tenanciers de "l'auberge rouge"!

Mais la grand-mère insiste pour que je mange avant de partir. Je pense que ce sera rapide, mais je devrais attendre une bonne heure, car le riz n'était pas encore cuit.
Ce qui me donnera l'occasion malgré tout
d'assister à la longue préparation du riz, des cacahuètes crues puis
grillées, pillées, ect, comme j'avais également assisté à la
préparation du diner de la veille, dans des feuliies de bananiers.

Je suis restée pour ne pas vexer la vieille dame, qui me semblait de
bonne volonté.
Un marchand ambulant.
Mais en fait, tout ça n'était destiné qu'à multiplier les raisons
de m'extorquer le plus possible. Et lorsque je leur offre une somme
qui me parait raisonnable en rapport des services rendus, ils exigent
plus du double, qui correspond en gros à une nuit dans une guest-house
avec salle de bain particulière et douche chaude, climatisation, tv et
connexion wifi, plus trois repas dans des petits restos locaux.

 Dans l'absolu, en termes d'euros pas la ruine, mais exhorbitant pour la
prestation et le pays!

Toute la famille est au rendez-vous, et la pression est très forte. Je
finis pas céder, pour reprendre la route au plus vite, et m'éloigner
de ces Thénardiers.

Mais ont-ils d'autres choix? Chasses de leurs villages ancestraux par le gouvernement ou la voracite des entreprises etrangeres, deracines et reloges en bordure de route, passant du rien absolu, aux tentations de la societe de consommation a laquelle ils ont brutalement acces.
Scooters, electricite, tv, a portee de main, mais sans les moyens de les acquerir. Le tout sur un fond d'analphabetisme, qui ne leur donne aucune possibilite de recul.

Je respire enfin, cheminant sur la route, et comme tous les matins,
m'extasiant sur le miracle de récuperation du corps humain, je me dis,
hier 35, pourquoi pas 40 ou 45km aujourd'hui?
Mais le poids du sac
aidant, et au plus fort de la chaleur, j'ai la reponse, et sais
parfaitement pourquoi, PAS 40 ou 45!

Je m'accorde une pause avant les deux ou trois derniers jours qui me
séparent de la Chine. Pause que je mets à profit, pauvres de vous,
pour pondre ce long article.

Ce pays, en plein essor, et qui aura sans doute bien du mal à gérer
cette modernité qui arrive de plein fouet, accélérée par les
intérêts de nombreux pays qui n'y voient que des opportunités financieres, n'a
cessé de susciter des réflexions peu optimistes dans mes méninges.

De retour à la civilisation, je cherche des infos et explications sur
les comportements étranges auxquels j'ai pu assister, bien que j'ai
déjà quelques pistes...
Petit pont de bambous pour traverser l'un des nombreux cours d'eau situes sur ce versant. Jusqu'ici tout va bien.

Ce tronc semble une bonne idee. Mais arrivee au milieu, avec le poids (celui du sac, pas le mien bien sur ;-)), je me retrouve les pieds dans l'eau. (Pas envie de retirer mes chaussures en raison des pansements.)


Abri dans un monastere. A peine arrivee, le bonze envoie les petits moines debarasser les poutres qui embarassaient le local, m'apporte six litres d'eau, et a mon retour d'ablutions, une natte m'attend.
Extermination par le déplacement systématique des minorités
ethniques, politique du profit absolu par les cies étrangères au
détriment des autochtones, le truc habituel quoi.
Impression amère d'avoir apprécié des paysages et des personnages
qui vont disparaitre à très court terme.

Voici des liens qui m'éviteront de continuer ce long discours, pour
ceux que ça intéresserait:

Lien au sujet de la déforestation au Laos:

http://www.sithandone.fr/index2.php?option=com_content&do_pdf=1&id=105

Lien au sujet des ethnies minoritaires:

http://www.fidh.org/IMG//pdf/la_cerd2005f.pdf

A partir de Xien Dao, je suis les meandres du Mekong.


Torrent qui se jette dans le fleuve.

Il y a des entrees de mines un peu partout sur ce troncon.

Le fleuve poursuit son cours. Parfois placide...

Parfois tumultueux, et les bateaux qui le remontent ont bien du mal.
Et scoop! Je crois bien que j'ai trouve l'entree de la mine des 7 nains. Mais ca doit etre leur jour de repos!
Quant a moi, contrairement a Blanche Neige, je demande aux animaux de la foret de ne pas venir chanter avec moi le matin, mais de rester a bonne distance.

Ca faisait longtemps que je ne vous avais pas mis une petite source...

Autre gue, autre systeme.

Le matin, je croise des dizaines de femmes portant leurs paniers avec ce systeme en bois sur les epaules. Mais des que je veux prendre une photo, elles se mettent a courir. En riant cette fois, heureusement.


La piste devient plus passante, et je passe au masque.

Il n'y a pas que les pietons qui ramassent de la poussiere.

De la banane, de la banane, sur des dizaines de kilometres...

Il est tres fier de sa prise. Ses copains aimeraient bien une photo aussi, du coup, mais un camion arrive, et je les quitte dans un nuage de poussiere.
Les habitants des villages en bordure de route, mangent des kilos de poussiere en permanence. Tout le monde tousse ici.

Le chauffeur de cette camionnette a eu la main un peu lourde sur la marche arriere.
Snif!



Je suis toujours tentee par ces jolies petites cabanes. Mais ce sont les maisons des cochons noirs. C'est peut-etre parce que c'est mon signe Chinois...

Petite offrande en bord de village.

La technique: petit attache dans le dos, retirer la chaussure, kicker la moto, faire monter la grande, remettre la chaussure.

Le soir a Meung Sing. Au loin la foret brule.

Quand je serai grande, je veux un chien Laotien!

Les fameuses herbes, mises en gerbes, et pretes pour le transport.

Ils ont un look de berger Allemand, mais la taille d'un cocker, il y en a de toutes les couleurs, ils ont des tetes supers, et ne sont pas trop agressifs avec une pauvre randonneuse...


Dans le parc national, c'est deja le printemps.
Une partie des jeunes qui m'accueillent dans cet etrange village.

Ici les reactions sont inversees. On se precipite vers moi.

Dans tous les villages, les femmes filent et tissent.

J'aime ces grandes balancoires.

Ma "famille d'accueil"...
C'est exactement le meme systeme que certains greniers Suisses dont j'ai oublie le nom.

Le bambou seche, en attendant de devenir plancher, toit, murs ou autre chose.

Pate a papier.

Petits scooters electriques, 320 euros. C'est tentant!

Ici, trouver du riz, c'est pas un probleme.

Accablee de fatigue, elle en a arrete de remuer son sac plastique anti-mouches.


Marche de nuit a Luang Namtha.

Un des derniers repas Laotiens, bientot les repas Chinois!
Voilà, mes pas me portent désormais et paradoxalement vers le pays
qui est en train d'oeuvrer à l'avilissement de celui que je quitte, destruction des forets, mono-culture imposee, vol de l'eau en amont grace aux barrages,
et à l'heure où vous lirez ces lignes, c'est que j'aurai fait mes
premiers pas en Chine.

Ouaiiiisssss!!!! Merci a tous ceux qui m'ont soutenue jusqu'a present!
 Vos commentaires et mails m'ont toujours fait beaucoup de bien et poussee en avant.

La réponse à la question de Pastelle, est: oui, je rentre en avion!

L'appel de ma petite-fille, tellement super jolie, que j'ai hâte de
rencontrer, ne supporterait pas un retour à pieds.

 Le stop aurait pu
être intéressant et pas trop long, mais les questions de visas
auraient encore fait perdre trop de temps...

Donc, dans environ deux mois, en principe, c'est le retour au bercail!

Mais d'ici la encore quelques pages de blog je l'espere, remplies de merveilles qui m'auront surprise, revoltee, rejouie, attristee, et que j'essaierai de vous faire partager...
A bientot donc.