Qui a marché, et avec qui?
Oui, "qui a marché?", ai-je tendance à me demander.
Oui, "qui a marché?", ai-je tendance à me demander.
Lorsqu'on discute avec moi et me pose des questions sur cette grosse randonnée, j'y réponds et je sais que j'étais présente à chaque instant, mais j'ai l'impression que je parle de quelqu'un d'autre.
Quelqu'un que je connais bien, mais qui n'est pas moi. Plus moi?
Ne croyez pas pour autant que j'ai changé. Que ceux qui m'aimaient telle que j'étais se rassurent, je dis et je fais toujours les mêmes bêtises, ils s'y retrouveront.
Quant à ceux qui auraient aimé me voir transformée, qu'ils se désolent, je dis et je fais toujours les mêmes bêtises.
Cette personne dont je peux lire les récits dans le blog a fait des trucs qui me semblent bien étonnants.
Et je comprends mieux maintenant, la surprise de ceux rencontrés en route, ou restés en France.
Entre vivre les évènements
au jour le jour et les regarder de manière globale, les lire, en écouter le
récit, il y a une sacrée différence.
Au jour le jour, dans l'action, on gère ce qui se présente, aussi simplement qu'on gère les problèmes d'un quotidien plus classique.
Une situation se présente, on réagit, point.
Chaque journée est unique, et ne dure que 24h.
Ces heures sont parfois courtes,
parfois longues. Le lendemain, n'est qu'un nouveau jour.
Il serait décourageant, d'envisager le chemin restant à parcourir, autant d'ailleurs que celui parcouru.
Chaque matin, le but, c'est ce soir..
Mais avant de me perdre en digressions, je vais reprendre les questions qui
m'avaient été envoyées par Marion, et qui vont me donner une base pour jeter un
coup d’oeil en arrière.
« As-tu parfois souffert de solitude? As-tu eu des problèmes de communication trop importants qui bloquaient les échanges? As-tu eu peur? Dirais-tu que le fait que tu sois une femme a été plutôt un avantage ou un désavantage? As-tu rencontré des populations antipathiques? Aurais-tu pu t'installer pour de bon quelque part, ailleurs? Qu'est ce qui t'as le plus manqué? Qu'est ce qui va maintenant le plus te manquer? »
Je vais tâcher d'y répondre, plus ou moins dans l'ordre, selon les réflexions que ça m'inspirera au fil des réponses.
« As-tu parfois souffert de solitude? As-tu eu des problèmes de communication trop importants qui bloquaient les échanges? As-tu eu peur? Dirais-tu que le fait que tu sois une femme a été plutôt un avantage ou un désavantage? As-tu rencontré des populations antipathiques? Aurais-tu pu t'installer pour de bon quelque part, ailleurs? Qu'est ce qui t'as le plus manqué? Qu'est ce qui va maintenant le plus te manquer? »
Je vais tâcher d'y répondre, plus ou moins dans l'ordre, selon les réflexions que ça m'inspirera au fil des réponses.
Histoire de ne pas rendre ce post trop austère, quelques photos prises depuis le retour... Les gorges de la Beaume |
-Ai-je souffert de la
solitude?
Je ne crois pas. Difficile à dire avec le recul, car les moments pénibles ont tendance à s'effacer.
En gros, lorsque j'étais
davantage dans une formule classique de voyage, comme en Inde, et en milieu
urbain en règle générale, disons que j'avais plus conscience du fait que
j'étais seule.
Paradoxalement, dans les périodes solitaires, était-ce parce que je me racontais toujours des tas de trucs qui me faisaient rigoler, j'avais toujours la sensation diffuse et inconsciente d'être, couvée? protégée? accompagnée?
Et lorsque j'arrivais dans un village et devais répondre à la première personne rencontrée qui me demandait invariablement: « Tu es seule? », j'ouvrais tout d'abord la bouche pour répondre non à cette question incongrue, puis marquais un infime temps de réaction, pendant lequel je me mettais à la place de mon interlocuteur, et répondais oui.
Mais il me fallait lutter un peu, pour me conformer à la réalité de la situation objective.
Non sans avoir jeté un
imperceptible, et même imaginaire regard par dessus mon épaule afin de m’en
convaincre.
Mon premier élan était de répondre que j'étais accompagnée, car je ne me sentais absolument pas seule.
Schizophrénie? Mysticisme? Délire?
Je l'ignore.
-Problèmes de communication ?
Bien sûr, mais étaient-ils vraiment dus aux langues, ou bien aux pays traversés et aux peuples côtoyés?
Quelque soit la langue, ma capacité à la parler, ou celle de mes interlocuteurs à s'exprimer en Anglais, la communication était surtout tributaire de la bonne volonté, de la curiosité, de l'envie de communiquer.
Où que ce soit, on parvient toujours à se faire comprendre lorsqu'on joue à deux à ce jeu là.
Rien de pire, quelques soient les efforts déployés, que de tomber sur quelqu'un qui fait la sourde oreille.
Ce qui donne parfois dans la même journée l'impression de maîtriser à peu près un vocabulaire de base, et une heure plus tard, d'être incapable de prononcer un traître mot correctement.
Ceci pour la communication de base.
Dans tous les cas, dès qu'on veut
approfondir, on se sent très limité. Ce qui est regrettable dans de nombreuses
occasions.
Hmmm l'Ardèche! |
-Ai-je eu peur?
Grande question.
Non. Ce que j'appelle la peur, c'est quelque chose qui vous fait paniquer, vous empêche de réagir et de réfléchir.
En revanche, je parlerais plutôt de prudence, méfiance.
A chaque seconde, avant
chaque décision, face à chaque évènement, se déroule dans ma tête un passage en
revue systématique du pire possible, qui ne s'est jamais présenté.
Tout en restant complètement disponible, en attente du meilleur, qui ne manque jamais d'arriver.
Confiance totale et paranoïa absolue cohabitent en permanence. Cocktail schizophrénique avec lequel il faut apprendre à vivre.
-Femme. Avantage ou inconvénient?
L'inconvénient et danger majeur, qui vient immédiatement à l'esprit de chacun, est l'irrépressible et anarchique appétit sexuel masculin. Sollicitation permanente.
Il faut être en état de vigilance permanent. Il faut savoir dire non. Le répéter. Le répéter encore. Et encore. Faire respecter ce non.
Voilà pour L'INCONVÉNIENT. Assez lassant comme
truc, souvent horripilant il faut bien le dire, mais finalement gérable.
Mis à part ça, que des avantages.
Ne représentant de danger
pour personne, j’étais la bienvenue dans les familles, chez les hommes
seuls, aussi bien que les femmes seules.
Une chose amusante se
produisait, que j’ai mis un certain temps à analyser:
Dans de
très nombreux cas, ce fameux désir masculin, était jugulé par un instinct
souvent encore plus fort, celui de protection.
Et à partir du moment où
un homme a peur pour vous (en fait il craint les autres pour vous, projetant
vraisemblablement ses propres fantasmes), et décide de vous protéger, il semble
en quelque sorte s’autocensurer.
Lorsque j’ai enfin compris
ce mécanisme, je l’utilisais lorsque la situation menaçait de se dégrader.
Je
tentais de replacer l’homme tendancieux en position de protecteur, lorsque je
sentais qu’il risquait de représenter un danger.
En gros, ça fonctionnait,
sauf en Inde. Là-bas, en plus, ils argumentent:
-NON.
- Mais pourquoi ? Tu
es une femme, je suis un homme, voilà.
Un ptit coup de blocs à Païolive. |
Ce qui nous amène à la
question suivante :
-Ai-je rencontré des
populations antipathiques ?
Bon alors pour rester
politiquement correct, on va dire, différentes, apeurées, avec d’autres
valeurs…
Premièrement en Italie.
En
discutant avec les uns et les autres depuis mon retour, il apparaît qu’il y
aurait deux Italies.
Celle dans laquelle vous arrivez en avion, train, bateau
ou voiture, et dormez dans des hôtels, munis de votre carte bleue.
Une Italie
charmante, accueillante, haute en couleurs.
Et celle dans laquelle
vous débarquez à pieds, en stop, à vélo, dormez dans une tente, dans un hamac,
à la belle étoile, et portez un sac à dos. Je ne parle même pas de
l’éventualité d’être hébergé chez l’habitant !
Une Italie peureuse, que
dis-je peureuse, terrorisée, à la limite de l’agressivité, souvent moqueuse, au
mieux indifférente.
D’après eux (qui
reconnaissent volontiers ces attitudes), ça viendrait des problèmes rencontrés,
avec les Albanais en particulier, et toutes autres populations immigrées en
général, parfois de manière clandestine.
Donc, en gros, tu portes
un sac à dos et voyages sans voiture = tu es pauvre.
Tu es pauvre = tu es
voleur.
Tu es voleur = peut-être
es-tu aussi un assassin.
Ce qui pousse certaines
personnes croisées à s’enfuir littéralement lorsqu’on les salue, des femmes à
hâter le pas dans les rues désertes lorsque vous marchez derrière elles, et
certains enfants à vous jeter des pierres.
Personnellement,il m’a
bien semblé que leurs programmes télé axés sur les dangers qui vous guettent en
permanence (avec interventions policières filmées), sur la violence, les
meurtres, les vols, les viols, ne doivent pas aider.
Comme chez nous, en gros,
mais en pire.
Ce qui est d’ailleurs le cas des télés et messages subliminaux
des gouvernements en général.
Donc, malgré l’extrême
gentillesse de Richard, rencontré à Nice et qui nous avait fourni cartes de
pèlerins, topo détaillé de la via Francigena jusqu’à Rome, et liste des
accueils de pèlerins, même l’hospitalité religieuse n’était pas au top.
Outre le fait qu’elle était
systématiquement payante, du simple don (normal), à des prix prohibitifs, la
chaleur humaine en était quasiment absente. Lorsqu’on daignait nous accueillir…
Car si, pour une raison ou
une autre, du style dortoir en travaux, la sœur ou le prêtre au quel nous nous
adressions décidait qu’il ne pouvait nous héberger, il ne servait strictement à
rien d’invoquer le froid, la nuit, la pluie, la neige.
Inutile d’expliquer que
nous ne désirions qu’un toit, même sans chauffage, que nous avions des matelas
et duvets, et qu’un simple couloir ou garage ferait l’affaire.
Sans pitié,
piété ni compassion, la porte se refermait sur la nuit, sans plus d’espoir de
la voir se rouvrir.
En deux mois, deux prêtres
ont ouvert leur porte avec sincérité, générosité, humanité.
Je les remercie du fond du
cœur.
Et en dehors du couchsurfing
(assez rare finalement, en raison du nombre impressionnant de couchsurfeurs
hommes, qui ne désirent héberger que des femmes seules), seule une personne,
alors que je marchais seule pendant quelques semaines en Italie, m’a presque
spontanément reçue.
Presque, car la
proposition est intervenue d’une part à la suite d’une discussion devant une
jolie chapelle sur fond de colline dominant le soleil couchant sur les
« cinque terre », et que la femme du Monsieur prêt à m’offrir
l’hospitalité a été plutôt difficile à convaincre :
Il parle quelques mots de
Français, et après m’avoir invitée, en informe sa femme, présente à ses côtés.
Terrorisée d’accueillir une « cheminote » telle que moi, elle refuse.
Enfin, à la fin d’une loooongue
discussion, je l’entends accepter de guerre lasse, tout en déclarant à son
mari : « Bon d’accord, mais alors dans la véranda avec le
chien ! »
C’est ainsi que j’ai
bénéficié du plus chaleureux accueil qui m’ait été offert. Batti, car c’est son
nom, a préparé un délicieux dîner, s’est mis en quatre pour faire oublier les
conditions imposées, et m’a même raccompagnée sur le chemin le lendemain, se
mettant ainsi en retard pour aller travailler.
Merci Batti, tu es mon
Italien préféré !
C'est pratique la moto, mais quand il faut se rhabiller, c'est long! Changement à vue dans les rues d'Avignon. |
Allez, je vais laisser les
Italiens tranquilles, il me reste encore à parler des Indiens…
Hmmmm, que dire ? On
pourrait remplir des pages là-dessus. Comment résumer ?
Disons que la différence
culturelle est énorme. On a beau avoir entendu dire que c’était un continent à
part entière, comme coupé du reste du monde, quasiment une autre planète, on a
beau s’y préparer, on ne sera jamais prêt.
Quelques soient les
raisons que j’ai tenté de trouver à certains comportements, elles n’expliquent
jamais tout.
La pauvreté, la
surpopulation, le climat, l’influence de la/des religions, existent dans de
nombreux autres pays, à des degrés divers, parfois semblables, mais le cocktail
propre à l’Inde crée cette particularité improbable et insolite.
Il m’a paru mystérieux,
énigmatique, que cette particularité, cette différence, semble s’arrêter aux
frontières du pays, et ce dans toutes les directions. Ce qui renforce cette
impression « d’autre planète ».
Sans rencontrer de réelle
agressivité, le mélange de regards insistants quoique neutres, et l’attitude
due au concept de karma, vous mettent souvent dans une position distanciée, à
la limite de l’absurde.
C’est en tous cas mon
ressenti. Ainsi d’ailleurs que celui de nombreux voyageurs solitaires se
déplaçant dans des conditions basiques, et pour un temps assez long dans le
pays.
Ce qui semble ne pas être
le cas des personnes voyageant ne serait-ce qu’un tout petit peu plus
confortablement.
Un peu comme en Italie
finalement, la perception du pays parait dépendre du porte-monnaie.
Bref, il est assez
épuisant de lutter chaque minute contre les tentatives d’arnaques systématiques
(explication : « on t’arnaque pour te montrer qu’on te respecte, car
tu es riche. » Mouais, un peu tiré par les cheveux hein…), le bruit, la
saleté, le harcèlement sexuel (curieusement pas de la part d’hommes dans une
foule anonyme, mais systématique dès qu’un homme possède trois mots d’Anglais),
un étonnant mélange d’indifférence et de regards pesants, et j’en oublie…
Tout en relativisant. D’une part, le manque d’informations qui m’a
contrainte à utiliser des moyens de transports au lieu de marcher, n’a pas pu
me donner l’équivalent de l’expérience rencontrée dans les autres pays
Et du coup, je n’ai
déambulé que dans le nord, principalement dans les villes. Le sud c’est autre
chose, m’a-t-on dit.
D’autre part, j’ai vécu
également de très belles choses avec des gens curieux, sincères, généreux et bons, même si
la communication ne faisait finalement que multiplier les questions sans
réponses.
Mais je m’arrêterai ici,
ce sujet pouvant faire l’objet d’un roman fleuve…
Le festival des orgues de barbarie à Chassiers. |
Question suivante ?
Ha oui.
-Aurais-je pu me fixer
dans l’un des pays traversés ?
NON.
Principalement car ce
n’était pas mon but. Je ne suis pas partie pour fuir la France, comme certaines
personnes que j’ai pu rencontrer. J’aime ce pays, ma région, ma maison, ma
famille, la vie ici.
Même si la curiosité me
pousse toujours à faire quelques pas de plus, et encore quelques pas de plus,
et encore qu… je ne me suis jamais imaginé que l’herbe était plus verte
ailleurs.
Je la trouve d’un vert
parfait en Ardèche, même lorsqu’elle jaunit un peu sous l’effet de la
sécheresse…
Il m’est très difficile de
m’imaginer vivre ailleurs. Comme il doit être extrêmement difficile de vivre en
France lorsqu’on n’y est pas né.
Il me revient une anecdote
d’un voyage antérieur. Un couple de jeunes immigrés, tous deux Polonais, qui vivaient
et s’étaient rencontrés à New York.
Même s’ils maîtrisaient
parfaitement la langue, travaillaient et habitaient aux Etats-Unis, ils ne
concevaient pas l’amour dans une langue étrangère. Il leur semblait qu’ils
auraient été frustrés des subtilités linguistiques et culturelles propres à
l’amour.
Ce n’est qu’un détail,
mais à l’époque, j’avais trouvé qu’il était révélateur d’une multitude d’autres
détails, qui même après trente ans de vie dans un pays étranger, vous
rappellent chaque jour que « vous n’êtes pas d’ici ».
En revanche, si la
question ne portait pas sur l’installation définitive quelque part, mais sur
l’appréciation d’un peuple, il est certain que ma préférence irait à la Turquie
et à l’Iran.
Mais il ne faut pas se leurrer.
A l’intérieur même de ces pays, comme absolument partout ailleurs, lorsqu’on
dit à un habitant que les gens sont gentils, il vous répond
systématiquement : « C’est parce que tu es étrangère. Entre nous,
c’est très différent. »
Et à chaque fois, me
revenait la blague dans laquelle un mort tout frais arrive au paradis, et après
un petit séjour test, choisit l’enfer, peuplé lors de sa « période
d’essai » de femmes nues et déchaînées.
Mais lorsque les portes se
referment définitivement, que les femmes dénudées se changent en une multitude de démons
armés de fourches précipitant les âmes damnées dans les feux crépitants des
enfers, il demande à ressortir, et St Pierre lui crie de l’extérieur :
-« Voilà, tu viens d’apprendre la différence entre touriste et
immigré ! ».
Pleuvra-t-il avant la fin du festival? |
Tout ceci nous fait arriver aux
deux dernières questions.
-Qu’est-ce qui m’a le plus
manqué ?
Rien.
Pendant le voyage, si on
est prêt à s’adapter à tout, si on est prêt à tout laisser derrière soi (pour
un certain temps en tous cas me concernant), rien ne manque. On n’y pense pas.
Sans grand mérite, car les
technologies modernes, si l’on en fait le choix, vous relient toujours à ceux
que vous aimez.
Et si eux sont prêts
aussi, et ne vous mettent aucune pression (encore une fois dans la mesure où
vous comptez vous retrouver dans un laps de temps qui vous semble raisonnable),
le manque n’est pas perçu comme tel.
Donc merci à ceux qui
m’ont laissée vivre cette aventure sans pression, et en tout premier lieu, à mes
fils.
Pourquoi pas un petit tour dans les montagnes corses? |
Dernière question.
-Qu’est-ce qui va le plus me manquer ?
Rien.
J’ai vécu ce que j’avais à
vivre, par choix, par plaisir. Je suis rentrée par choix, par plaisir. Ce sont
des tranches de vie. Presque douées d’indépendance, dont le seul fil conducteur
est le fil de mes pensées.
Ce fil n’est pas coupé,
mais les pensées évoluent, avancent, et ce qui reste est la mémoire, parfois
fidèle parfois moins, présente en moi, tout en appartenant au passé.
Ce qui est surprenant,
c’est la découverte à posteriori de certains manques. Sur le coup, on n’y prête
pas vraiment attention, tout juste une constatation. « Tiens, il est
difficile de trouver du chocolat par ici. Il est cher, pas bon et rare. »
Et même une addict comme moi finit par ne plus y penser.
Ou bien, « Pas
évident de se faire des provisions pour plusieurs jours dans le sac à dos, sans
pain et sans fromage ». Bon, on trouve autre chose.
Mais au retour, j’ai
largement rattrapé deux ans de chocolat et de fromage. Et j’ai réalisé que ça
m’avait manqué.
J’imagine donc que si je
repartais dans les même conditions, je redécouvrirais avec plaisir des choses
dont j’ignore qu’elles me manquent actuellement.
En fin de compte c’est
également comme ça que fonctionne notre quotidien. On n’a jamais tout en même
temps, à commencer par le jour et la nuit, et c’est pour ça qu’on apprécie la
variété de notre existence.
-Quelques petites
réflexions complémentaires…
LE truc dont je suis la
plus fière :
En dehors des lunettes, je
n’ai jamais rien perdu !
Et mieux encore on ne m’a
jamais rien volé !
Ni appareil photo, ni
téléphone, ni chargeur de batterie, carte bleue, passeport…
Le fameux mélange
paranoïa-confiance a fonctionné.
Avant chaque pays,
l’appréhension de la nouveauté, ajoutée à la méconnaissance de la langue, des
lectures, et ouïes dires des autres voyageurs, font penser : « Allez,
finie la rigolade, ici, il va falloir être plus vigilante ! ».
Et, après une dizaine de
jours au début, puis 7, puis, 5, 3, et pour finir quelques heures, on intègre
le fonctionnement d’un pays.
Passées les premières surprises, on constate que
derrière cette nouvelle frontière vivent des gens, des humains quoi, et qu’ils
sont plutôt pareils en gros.
Y’a des gentils, y’a des moins gentils (souvent
ceux qui ont plus peur), et puis voilà.
Ok, il y a des différences
dans la manière de manger, d’acheter un billet de bus, et surtout une carte
sim ! ;-), et de pleins de petites choses du quotidien, mais ce ne
sont que des détails.
Pour le reste, tant qu’y a
de l’humain y’a de l’espoir, et puis il faut y croire.
Avec le recul, j’ai
l’impression que c’est ce qui fait toute la différence.
L’envie, la volonté,
l’absence de doute.
Ce qui n’exclut pas une remise en question permanente, des
interrogations sur pourquoi, comment, pour combien de temps, l’envie est-elle
toujours là, ce qui implique une foule de petites décisions permanentes.
Chacune de ces micro-décisions
renforçant finalement le projet initial, dans la confiance.
Du coup, les évènements semblent se conformer aux projections de l’esprit.
C’est un peu la seule
explication que je peux apporter à la réussite de ce périple. Je l’ai désiré, me
suis donné les moyens de le faire, c’est arrivé.
Forcément différemment de
ce que je pouvais imaginer, mais toujours dans l’étonnement, la surprise.
Après, on peut aussi
invoquer une bonne étoile, des anges gardiens, de la chance, tout cela passe
par la tête évidement au cours d’une aventure comme celle-ci.
Bien que j’ai
plutôt du mal à qualifier ça d’aventure, à notre époque, en vertu de nos
connaissances sur notre planète, et des moyens à notre disposition.
Il reste toujours une part
de risque, mais est-elle beaucoup plus élevée qu’en traversant la rue en bas de
chez nous ?
Et l’aventure n’est-elle
pas justement au coin de la rue ?
Dès qu’on le décide, et qu’on envisage
notre environnement différemment…
Mais qu’on se rassure
(est-ce vraiment rassurant d’ailleurs ?), cette crainte de
« l’aventure », et tout simplement de « l’autre », est
universelle.
Dans chaque pays traversé,
on vous met en garde contre le pays suivant, forcément peuplé d’assassins et de
bandits.
Par exemple, les Italiens
sont méfiants vis-à-vis des Grecques, qui abhorrent les Turcs, qui redoutent
les Géorgiens, qui méprisent les Arméniens, qui vous préviennent contre les
Iraniens, et ainsi de suite…
Or, de l’Italie à l’Iran,
on va de bonnes surprises en bonnes surprises.
L’hospitalité et la chaleur
gagnent du terrain à chaque pas vers l’est.
Fait notable, la peur se
transforme elle aussi en allant vers l’est. Elle passe de « peur de
vous », à « peur pour vous ». Délicieuse mutation !
Il semble que chaque pays
ne soit entouré que d’ennemis sanguinaires et monstrueux.
Et à l’intérieur même
d’une nation, l’ouest est forcément plus dangereux que l’est, le sud que le
nord, et vice-versa bien entendu, selon l’endroit où l’on se trouve.
Si on continue à zoomer,
on s’aperçoit que le village de la vallée d’à côté, dans lequel vous espérez
vous rendre, est censé être moins bien fréquenté que celui que vous vous
apprêtez à quitter, et ainsi de suite…
Partout le discours est le
même:
Ailleurs est dangereux.
Mais ailleurs, c’est toujours chez quelqu’un qui
pense pareil. Déroutant.
Trêve de lieux communs,
finissons sur une note plus terre à terre.
Je me suis aperçue que je n’avais
pas mentionné le poids de mon sac lors de l’article sur le matériel.
Au départ, avec les
affaires d’hiver, 16/17 kilos sans nourriture et sans eau. Donc avec chaque
jour un minimum de 2 litres et 2/3 kilos de nourriture, on arrive dans les
20/22. C’est lourd. Trop lourd.
A la fin, à vide, 12kg, ce
qui fait 15/17 avec provisions. C’est mieux. C’est même tout à fait gérable.
Une rando dans le Beaujolais pour changer. Faire sécher la tente me rappelle quelques souvenirs. |
Voilà, ceci était le
dernier article publié sur ce blog.
Il s’est fait attendre très longtemps, et
j’en suis désolée pour ceux qui l’attendaient et se sont peut-être lassés, à
juste titre.
Personne ne le suit sans
doute plus, mais pour moi-même il était important d’y mettre un point final.
Je vous remercie de
l’avoir suivi.
Merci également à Philippe, qui m'a accompagnée les six premiers mois.
Ainsi qu'à Lisa, pour les quelques semaines passées en sa compagnie, et aux amis, famille, délaissés pour un temps, mais qui m'ont donné un coup de main à distance lorsque j'en ai eu besoin.
Je n'oublie pas, et n'oublierai jamais, tous ceux qui m’ont aidée sur le chemin.
Ce sont les vrais héros de l'histoire.
Ils sont bien au chaud dans mon coeur, dans ma tête.
Car si aventure il y a eu,
c’est avant tout une grande aventure humaine qui dépasse tout ce que je pouvais
imaginer, espérer.